[Hauts-de-Seine] Trois jours de formation EMI dispensés à la Fédération des centres sociaux 92

L’association Chronos&Kairos, en partenariat avec la Fédération des centres sociaux des Hauts-de-Seine, a mené une formation d’éducation aux médias et à l’information auprès de 7 salarié·es travaillant ou oeuvrant dans différents centres du département. A l’issue des trois jours de formation théorique et pratique, chaque participant·e est parvenu à créer une production journalistique pilote reproductible en autonomie dans sa structure.

Tiffany, Charlotte, Rokhaya, Patricia, Suzanne, Mamadou et Jean ont participé à une session de formation de trois jours d’éducation aux médias et à l’information. Le premier jour de formation, théorique, a permis de donner aux participant·es des repères pour appréhender l’univers des médias et les rouages de la construction de l’information (hiérarchie de l’info, ligne éditoriale, différence entre information et opinion, angle et genres journalistiques, vérification de l’information). Cette journée a mêlé temps d’échanges, de visionnages, d’écoutes et de lectures de productions journalistiques professionnelles, combinés à des exercices pratiques et de mise en situation à chaque étape. Ce temps théorique a permis aux participant·es de mûrir leur propre projet média pour la suite de la formation. Quel projet éditorial ? Pour quel public ? Avec quel média ? Sous quel format ? Quel genre privilégier ? Quel angle adopter ?

Les deuxième et troisième jours ont laissé place à des temps de pratique, afin d’amener chaque participant·e à identifier un format journalistique pertinent qu’il·elle souhaiterait développer au sein de sa structure et/ou avec ses publics. Les participant·es ont ensuite été accompagné·es individuellement dans la réalisation de cette production journalistique pilote que vous pouvez découvrir dans cet article.




PORTRAITS D’EXILES

Wael : fuir, marcher, arriver, ne pas se (re)trouver

Quelques jours après le début de la révolution syrienne, Wael et sa famille décident de quitter le pays. Aujourd’hui, il est encore sur le chemin qui le mènera à lui-même.

Wael quitte la Syrie en août 2012. A l’époque, le jeune homme vit à Deraa, une ville au Sud-Ouest du pays. Quelques jours après le début de la révolution, son père, député au parlement syrien, reçoit des menaces de mort. Le départ se décide rapidement. « Mon père nous a téléphoné pour nous dire qu’il y allait avoir une opération pour partir et qu’il avait besoin de ses enfants. »

La famille part en laissant le déjeuner sur la table. « On pensait que c’était pour 6 mois, donc j’ai pris un sac à dos. » Il regarde la maison, et se demande ce qu’il peut emporter avec lui : « La chose la plus importante, c’est les photos »

Commence alors son parcours d’exil. Sa mère, ses deux frères, ses belle-sœurs et un neveu nourrisson l’accompagnent. 30 km séparent la famille de la frontière jordanienne. Ils marchent de nuit pour ne pas se faire repérer. « On a juste utilisé la lumière de la lune ». Tout le long de cette marche, des dangers les entourent. « Des avions passent, il y a des tirs de balles, on reste cachés. »

Arrivés à la frontière, un militaire de l’armée jordanienne vient à leur rencontre, et leur demande de ne faire aucun bruit, de faire taire les enfants. « Si ton enfant fait du bruit, tu peux l’étouffer, tu peux faire n’importe quoi mais il ne peut pas faire du bruit. C’est l’enfant ou le groupe. » Il est touché par le souvenir de ce père en pleurs qui couvre de sa main le visage de son enfant pour l’empêcher de pleurer.

Une fois arrivés en Jordanie, lui et sa famille sont pris en charge par une association qui les aide à se nourrir, se loger, et remplir les papiers pour bénéficier du statut de réfugié politique. Lui qui n’a jamais eu envie de quitter la Syrie se voit dans l’impossibilité d’y revenir un jour. « C’est trop difficile de quitter [son pays] parce que je fais partie de cette catégorie de gens qui n’aiment pas quitter son circuit, son rond, sa communauté. » C’est sa mère qui choisi d’emmener la famille en France. Depuis que Wael est petit, elle lui raconte souvent ses souvenirs de voyages à Paris, avec son oncle, dans les années 80. Et puis il y a de la famille qui s’y est installée depuis plusieurs années.

Encore aujourd’hui, Wael a du mal à envisager un avenir concret en France. Cet entre-deux l’empêche d’avancer. Impossible de faire reconnaître ici ses formations et expériences professionnelles passées. Sa vie, son quotidien, ses ambitions se sont envolés le jour où il a dû quitter son pays. « J’avais imaginé venir en France en tant que diplomate, pas comme un réfugié ».

Aujourd’hui, son rêve a changé. « Tout ce que je veux, c’est avoir une vie normale : avoir une maison, une famille, un travail, une vie normale comme tout le monde. »


Le portrait du mois

Jorella ou la magie créatrice de l’engagement

Au premier regard, on voit une artiste.
Soirée de vernissage de l’exposition Couleurs femmes à l’Espace Grésillons à Genneviliers, l’une des trois artistes se fait attendre. Accueillie sur les sons afrobeat d’un groupe local, une trentaine d’habitants découvrent les toiles des peintres du quartier, à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

Jorella fait son apparition. Sa chevelure rose et les couleurs vives de sa tenue font écho à l’éclat de ses peintures. Avec ses yeux brillants et son sourire radieux, la trentenaire répond aux questions du public et détaille ses multiples sources d’inspiration : art japonais, baroque mais aussi surréalisme et impressionnisme. Le sujet des 5 toiles exposées est La femme, la femme lumineuse, la femme rêvée ou la femme objet à manipuler… C’est cette dernière qui cristallise toutes les interrogations… La jeune artiste y répond avec malice, le public, admiratif est conquis !

Savoir révéler l’artiste en soi

Celle qui signe ses œuvres Djor Cristina depuis que ses amis se sont mis à l’appeler Dior, « comme Christian Dior », est originaire des Philippines.

Enfant, passionnée par les contes, elle imagine des histoires loufoques qui se transforment en collages artistiques aléatoires, avant de s’essayer à la gravure au crayon. Sa vie d’artiste commence lorsqu’elle gagne le concours de collage artistique au lycée. « Quand je créée, c’est pour m’exprimer et montrer que j’aime ça ».

Elle entre à l’école des Beaux-Arts des Philippines et se spécialise en art plastiques et peinture. Elle commence à créer des toiles et des sculptures. En première année, elle sculpte son premier autoportrait. 

Chaque rencontre est source de création

Jorella arrive en France en 2009. « C’est pas pour le travail ou les études, juste pour être avec mon mari ». Mais dès le départ, la barrière de la langue complique les relations sociales. « C’était très difficile d’être en France et de ne pas parler français, de ne pas pouvoir me faire des amis ».  Cet isolement a aussi une incidence sur la créativité de la jeune artiste, habituée à se nourrir des rencontres et des échanges. Pendant 10 ans, elle cesse de peindre : « il fallait gagner sa vie ! ». Artiste dans l’âme, Djor Cristina est devenue créatrice de bijoux dans une boutique à Paris. « Je ne maîtrisais pas assez la langue alors j’ai repris les cours de français ».

Depuis 1 an, elle suit les ateliers ASL au Centre Culturel et Social à Gennevilliers.  Parallèlement, la jeune femme a intégré une association d’artistes franciliens. « Ça m’a redonné envie de peindre, j’ai retrouvé ma motivation et ma passion. Désormais, je peux peindre toute la journée, du matin jusqu’au soir, mais quand j’ai des choses à faire, je peints quand même 3 à 5 heures par jour. Peindre c’est la joie de voir quelque chose de beau se dérouler sous mes mains. C’est magique ! »

C’est avec enthousiasme et appréhension que Djor Christina s’est lancée dans l’organisation de l’exposition organisée au centre Culturel et Social Espace Grésillons, lieu d’éducation populaire. La perspective de cet événement lui a insufflé une nouvelle dynamique créatrice. Pour l’artiste, « participer à cette initiative, c’est montrer aux gens que la femme aussi est une artiste, qu’il n’y a pas que l’homme. Aux Philippines c’est plus les hommes qui sont artistes, peu de femmes en font leur métier. Je veux montrer que les femmes aussi ont du talent ». D’ailleurs, toutes les amies de l’atelier couture qui imaginaient déjà Jorella en styliste sont sorties de l’exposition, éblouies par son talent de peintre !

L’artiste peintre est désormais, pleine d’espoir pour l’avenir car « en France les artistes sont soutenus financièrement et beaucoup de personnes apprécient l’art et aiment aller dans des expositions.

« Les amis que j’ai invités étaient très impressionnés. Ils ne savaient pas que je savais faire tout ça ».  L’artiste est confiante pour son avenir : « je veux continuer à faire des tableaux et devenir une artiste peintre avec beaucoup de succès ». Elle est reconnaissante au centre culturel et social : « Participer à cette expo m’a beaucoup apporté, j’ai créé une relation avec le public, j’ai aimé découvrir leur interprétation de mes toiles. J’ai pu échanger avec les gens, ça me fait progresser dans mon apprentissage du français. Il faut bien s’intégrer et mieux communiquer si je veux vendre mes tableaux ».

Quand la créativité se fait engagement

A son tour, la jeune femme souhaite « donner un petit conseil » aux personnes et surtout aux enfants.  « Si vous voulez vraiment être artiste un jour, il faut suivre votre passion. Avoir toujours un cahier avec soi. Pratiquer tous les jours. Suivre votre rêve ». Par ces mots, Jorella traduit toute la philosophie du Centre Culturel Espace Grésillons, lieu de partage de coopération et de transmission.



EDITORIAL

Est-il si facile de traverser la rue pour trouver un emploi comme le prétend le Président de la république ?

Cette affirmation traduit de fait une incapacité à résoudre durablement la question de l’emploi, sauf à travestir la réalité. Nous avons régulièrement dans tous les médias les chiffres des demandeurs d’emploi en catégorie A qui baissent régulièrement depuis un an (- 13,2 %) et encore le dernier trimestre 2021 (- 6,2 %). Mais qu’en est-il des autres catégories dont personne ne parle ?

La catégorie B des personnes exerçant une activité réduite courte baisse beaucoup moins ; par rapport au trimestre précédent, soit – 3,6 %. Mais surtout, ceux qui exercent une activité réduite longue (catégorie C) voient leur nombre augmenter régulièrement et encore de + 1,5 % au dernier trimestre.

La précarité augmente donc pour ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi.

Le Président a trouvé la solution : pour lui l’obtention du RSA doit être conditionné par l’exercice d’une activité et il va s’employer à faire contrôler l’exécution de cette nouvelle norme.

Comme si cela ne suffisait pas, Pôle Emploi devient France Travail. Mais les conseillers de Pôle Emploi n’ont pas de moyens supplémentaires et surtout n’ont aucune possibilité d’évaluer les demandeurs d’emploi dans une situation de travail. Existaient bien de telles structures qui permettaient de le faire avec une réelle efficacité, comme à Clichy dans les Hauts de Seine, mais elles ont disparu. Pourtant les employeurs se trouvaient tout à fait satisfaits de ces évaluations avant embauche *. Ne faut-il pas les rétablir ?

Il y a bien en France plus de 4 000 structures d’insertion par l’activité économique (associations intermédiaires, entreprises et chantiers d’insertion) qui obtiennent des résultats significatifs mais dont personne ne parle. Les quelques 136 000 salariés de ces structures pourraient être beaucoup plus nombreux si les aides publiques étaient mieux ciblées. Mais, rappelons-nous, le Président a supprimé les contrats aidés, dès le début de son mandat.

La campagne pour l’élection présidentielle n’aborde aucunement ces questions. Frilosité ? Manque de compétences ? Pourtant un des moyens de porter atteinte à la précarité et aux inégalités les plus criantes réside dans le développement de l’insertion par l’activité économique.

*Un employeur qui souhaitait embaucher un conducteur d’engin ou un coffreur pouvait évaluer in situ à Pôle Emploi les différents candidats aux postes.